Prononcez A4 Networks, il s'agit d'une simulation économique dans laquelle vous prenez la direction d'une société de transports et d'investissements. Chaque carte représente une ville en 3D isométrique, dans laquelle vous pouvez ajouter des lignes de train et de bus et construire ou acheter des immeubles, golfs et autres. Chaque carte propose un défi particulier, comme de redresser le réseau de métro de Londres, ou de construire les îles Caïman à partir de zéro.
En tant qu'aficionado des jeux de gestion ferroviaire, je ne pouvais m'en passer et me jetais dessus quasiment dès sa sortie. Au final, c'est malheureusement un mauvais jeu, ce qui ne m'a pas empêcher d'y passer des heures. Et ses qualités tant ses défauts rendent son étude tout à fait intéressante. Voyons donc d'abord là où les développeurs se sont complètement plantés.
La simulation ferroviaire est ratée
Contrairement par exemple à Transport Tycoon, où les trains sont gérés via des signaux, et qui permettaient d'atteindre une complexité étonnante, les trains dans A4 Networks sont gérés par horaires: chaque train sait l'heure à laquelle il doit quitter la gare. C'est proprement ingérable, puisqu'il est très difficile de savoir si oui ou non deux trains vont se tamponner à un aiguillage, et impossible à forcer un train a prendre un côté plutôt qu'un autre dans une route à deux voies. Assez rapidement, l'on se retrouve à faire d'abord des lignes simples en point à point, et lorsque l'on commence à vouloir placer plus d'un train par ligne, à faire des lignes circulaires, sans aucun aiguillage.
L'alternance jour/nuit est gérée, mais elle est trop rapide par rapport à la vitesse des trains, ce qui rend impossible la gestion du rush hour. L'on tente donc d'avoir une densité de trains importante, en espérant qu'ils arrivent en gare au bon moment.
Le transport des marchandises est également sans queue ni tête: les trains de marchandises se remplissent à une gare, et se vident à la suivante, mais si par exemple une usine n'a pas eu le temps de se réapprovisionner, le train repart à vide, et se met à ramener les marchandises vers l'usine! Il faut manuellement aller inverser sa direction pour repartir dans le bon sens.
La simulation économique est ratée
Le jeu est très difficile à prendre en main, car les transports rapportent extrêmement peu par rapport à leurs coûts (ce qui est réaliste, ceci dit), jusqu'au moment où l'on se rend compte que par un curieux effet, le prix des immeubles s'écroule à chaque début d'année, vous permettant d'acheter quantité de bâtiments en solde, et de les revendre à 2 ou 3 fois le prix quelques mois plus tard. Une fois compris, ensuite, que l'impôt sur les bénéfices vous mettra vite sur la paille, et qu'il faut donc toujours investir tout son cash, la stratégie gagnante devient triviale: acheter le plus possible de bâtiments, les revendre juste avant le point de chute, et tout racheter. Ne vendre (et donc générer du cash) que pour construire autre chose, par exemple vos lignes de train. Au bout de quelques années, vous dépasserez les 2 milliards de cash, moment où l'entier 32 bits contenant votre argent durement gagné se retrouve tout d'un coup très négatif, vous forçant à une faillite prématurée. Dommage, non?
Évoquons à peine le mode bourse, qui fonctionne en dépit du bon sens. Certains scénarios demandent à obtenir une participation majoritaire dans plusieurs compagnies, mais il est parfaitement impossible de savoir quel est le pourcentage d'actions que l'on possède. En revanche, il est possible de se faire racheter, et donc de perdre au milieu du jeu sans pouvoir rien faire. La seule solution que j'ai trouvée est d'acheter ses propres actions dès qu'il y en a de disponibles.
Une antiquité à sa naissance
Graphiquement, ce n'est pas tout à fait ça. Alors qu'il est sorti plusieurs années après Transport Tycoon, la où TT proposait des animations et un scrolling de terrain fluide, A4 redessine péniblement la carte, carré par carré, à chaque recentrage, et les trains sautent de section de voie en section de voie. Alors certes, les cartes sont grandes, mais c'est très décevant.
Quel dommage!
Alors que beaucoup d'efforts et d'argent a été mis en œuvre pour la vidéo d'introduction avec James Coburn, l'on se dit que peut-être les designers auraient dû réduire leurs prétentions et sortir quelque chose qui marche. Parce que des points positifs, il y en a!
Une très grande liberté dans la pose des rails
Avec 3 niveaux en dessous du sol et 7 au dessus, l'on peut mettre les voies dans tous les sens: métros souterrains et aériens, croisements multiples, c'est un vrai plaisir.
Une ambiance particulière
L'alternance jour/nuit avec les dernières lumières dans vos gares, la musique d'ambiance pour chaque saison, et, paradoxalement, la sensation de vide qui vient du manque d'animations (les seules choses qui bougent sont vos propres véhicules), rend une atmosphère hors du temps, un peu bizarre, et très propice aux longues séances de jeu.
D'avoir proposé des scénarios basées sur de vraies villes est également un plus: l'on peut bidouiller le métro de Paris, développer New York ou Vienne.
Le nombre de bâtiments différents est également très important, et permet des villes variées. L'on pourra ainsi développer un quartier entier en s'assurant qu'il est bien desservi en transports, y installer quelques commerces, puis des bâtiments plus importants.
Une approche économique sérieuse
Quand bien même la simulation est défectueuse, l'idée de départ était bonne. Les rapports sont complets, le bilan de fin d'année est remarquable, et l'on gagne vraiment à les étudier en détail.
Face au mastodonte qu'est OpenTTD, la référence en gestion de transports, et, à mon humble avis, la référence tout court en matière de jeux libres, beaucoup de jeux font aujourd'hui pâle figure. A4 Network$ aurait pu connaître plus de succès sans ses nombreux bugs, mais il apparaît aujourd'hui bien plus dépassé que de nombreux jeux d'époque. Notons que la série des A-Train à laquelle appartient A4 continue de s'étendre, le dernier né de la série, A-Train 9, est sorti en 2010, dans la discrétion la plus absolue.